4 erreurs que font les entrepreneurs au démarrage (et comment les éviter)

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Par Joris Desmares-Decaux
Directeur, Développement économique et Services aux entreprises | Parallèle Alberta.


Avez-vous déjà eu l’impression qu’au moment de lancer votre entreprise, chaque décision pouvait faire basculer votre projet du bon ou du mauvais côté ? Ce sentiment, la plupart des fondateurs le connaissent. On commence avec une énergie incroyable, porté par l’envie de créer et de faire bouger les choses. Et puis, assez vite, on se heurte à des obstacles qui n’étaient pas évidents au départ.

Ces obstacles ne ressemblent pas toujours à des murs infranchissables. Parfois, ce sont de petites habitudes prises trop tôt qui finissent par coûter cher au fil du temps.

Votre vision est comme une étoile perchée sur une montagne. Pour l’atteindre il faudra traverser des forêts, contourner des lacs, franchir des crevasses et escalader cette montagne. Mais souvent, les plus grands défis ne viennent pas uniquement de la concurrence ou du marché. Bien souvent, ils viennent de l’intérieur avec des erreurs récurrentes qu’on aurait pu anticiper.

Chaque année, des milliers de personnes au Canada franchissent le pas et créent leur propre entreprise. Selon Statistique Canada, près de 100 000 nouvelles entreprises ont vu le jour en moyenne chaque année entre 2016 et 2020. Malheureusement, beaucoup ferment aussi leurs portes après quelques années faute de préparation ou d’adaptation.

Parlons-en franchement. Voici quatre pièges classiques rencontrés (trop souvent) dans lesquels tombent de nombreux entrepreneurs au démarrage… et quelques pistes pour les éviter.

1. Ne pas tester son idée sur le terrain

La passion est le moteur de l’entrepreneur. Elle pousse à persévérer, elle inspire, elle donne du courage. Mais cette même passion peut devenir un piège si elle empêche de voir la réalité du marché.

Beaucoup développent leur idée dans l’abstrait convaincus que si eux y croient, tout le monde suivra. D’autres se lancent après avoir vu une entreprise qui fonctionne, ou après avoir visionné une vidéo d’«entrepreneurs milionnaires» sur YouTube ou TikTok, en pensant que «si ça marche pour eux, ça marchera pour moi». La petite utopie du créateur… Notre cerveau aime ce confort mais c’est une illusion. Le marché n’est pas une affaire de foi, c’est une question d’adéquation entre un besoin et une solution. 

Prenons l’exemple d’un restaurateur de Calgary. Il croyait dur comme fer à son concept de menus gastronomiques livrés à domicile. Sur le papier, l’idée avait tout pour séduire. Pourtant une fois lancé, il a découvert que ses prix dépassaient largement ce que les familles locales étaient prêtes à payer. Le problème n’était pas la qualité, mais l’absence d’un marché réel pour ce positionnement.

La leçon ici : confrontez votre idée au terrain le plus tôt possible. Une entreprise ne se construit pas derrière votre écran d’ordinateur, mais en sortant de son bureau. Allez parler à vos clients potentiels, proposez une version simplifiée de votre offre, testez, écoutez, observez. Osez rencontrer des entrepreneurs qui ont échoué et demandez leur pourquoi. Le marché est le seul juge, et il vaut mieux l’entendre tout de suite plutôt que trop tard. 

Pour faire allusion au titre de Guns N’ Roses «Welcome to the Jungle», ici, la théorie s’arrête. Chaque décision compte, et chaque obstacle teste votre courage. Bienvenue dans la jungle de l’entrepreneuriat.

2. Sous-estimer l’impact de l’environnement économique

Beaucoup d’entrepreneurs bâtissent leur plan d’affaires comme si l’environnement économique restait figé. Or, la réalité est toute autre : les coûts évoluent, les loyers flambent, les règles changent…et souvent plus vite qu’on ne le croit.

Un plan d’affaires est un outil vivant. C’est votre carte routière, et vous êtes le conducteur de votre entreprise. Il doit évoluer avec le trajet et non dormir au fond d’un tiroir. Il doit être consulté et mis à jour régulièrement, non seulement pour mieux anticiper les défis et préparer l’avenir, mais aussi pour mesurer les progrès accomplis et ajuster votre trajectoire.

De nombreuses entreprises en font les frais. Une hausse soudaine des loyers commerciaux a englouti leur trésorerie et remis en question leur survie. Leur erreur n’était pas un mauvais produit ou une mauvaise stratégie, mais l’absence de marge de manœuvre pour absorber un imprévu.

La bonne approche consiste à se poser les questions qui dérangent dès le départ:

  • Que se passe-t-il si mes coûts augmentent de 20% ?
  • Et si mes ventes prennent trois mois de retard ?
  • Que faire si la hausse des frais de douane américains se poursuit ?

Imaginer ces scénarios n’est pas du pessimisme, c’est une forme de discipline. Cela permet de garder les pieds sur terre, d’éviter des surprises paralysantes et surtout de réagir vite quand les choses dérapent.

3. Négliger les compétences essentielles

On pense souvent qu’une bonne idée et de la détermination suffisent. Mais entre une idée et un projet viable, il y a un fossé que seules certaines compétences permettent de franchir.

Prenons le cas d’une jeune entreprise technologique. Elle a développé des produits sophistiqués, parfois en avance sur leur temps. Mais faute de stratégie marketing ou de plan de vente, elle n’a jamais réussi à atteindre assez de clients pour survivre.

Au démarrage, le propriétaire-dirigeant est souvent seul à bord. Il gère tout. Mais cela peut avoir un coût à moyen terme. L’erreur n’est pas de ne pas tout savoir. Personne n’est expert en technologie, en finance, en marketing et en opérations à la fois. L’erreur, c’est de ne pas chercher à combler ses lacunes. 

Un comptable pour clarifier vos marges, un conseiller pour bâtir une stratégie de mise en marché, un mentor pour poser les bonnes questions, un réseau pour vous orienter… Ces ressources coûtent toujours moins cher lorsqu’elles sont sollicitées tôt que lorsqu’on se retrouve au pied du mur.

4. Vouloir tout maîtriser avant de se lancer

C’est l’un des pièges les plus fréquents: attendre que tout soit parfait avant d’oser se lancer. Le logo doit être impeccable, le site web irréprochable, le produit sans défaut, nos brochures parfaites. Pendant ce temps, le marché avance et les concurrents occupent l’espace. 

C’est ce qu’a vécu une solopreneure d’Edmonton. Spécialisée dans les cosmétiques naturels, elle a passé près de deux ans à peaufiner ses formulations, son image de marque et son site internet. Tout était beau. Mais lorsqu’elle a enfin lancé sa gamme, une concurrente avait déjà capté l’attention des clientes locales avec une version plus simple et plus abordable.

Le vrai danger n’est pas de sortir un produit imparfait. Le vrai danger, c’est de ne jamais sortir du tout. Les entreprises qui réussissent ne sont pas celles qui commencent avec la version parfaite, mais celles qui apprennent vite grâce aux retours du marché et pivotent lorsque nécessaire.

Un premier client satisfait, même si le produit est encore en rodage, a bien plus de valeur qu’une idée brillante qui reste enfermée dans un cahier ou sur un ordinateur.

… en guise de petite conclusion

Démarrer une entreprise n’est pas seulement une affaire de chiffres et de plans stratégiques. C’est avant tout une aventure humaine, faite d’enthousiasme et joie, de doutes, de décisions difficiles et de petites victoires.

Les erreurs ne disparaîtront jamais totalement. Et honnêtement, c’est très bien ainsi car elles font partie du parcours. Mais certaines peuvent être anticipées et transformées en étapes d’apprentissage plutôt qu’en obstacles fatals.

En réalité, la différence ne tient pas au fait d’avoir évité toutes les erreurs. Elle se joue dans la capacité à les reconnaître à temps et à avoir le courage d’ajuster le cap.

Alors, petite question pour vous: quelle erreur au démarrage vous a le plus appris et que vous referiez différemment aujourd’hui?

*Crédit : Photo de Ivan Samkov: Pexels